Vous vendez des cercueils, avec ou sans poignées
En chêne ou en sapin, en fonction des budgets
Tout pour le funéraire, tombeaux, concessions,
Et caveaux de familles, parfois en promotion
Faire-parts imprimés, nécrologie, décès
Dans vos costumes noirs avec l'air attristé
Vous êtes à la fois convoyeurs, marbriers
Embaumeurs, fossoyeurs, fleuristes, menuisiers
La mort ça vous connaît, elle est votre associée.
Le dimanche matin avec tous vos copains
En tenue vert kaki, le fusil à la main
Vous tirez des faisans, des lièvres, des perdrix
Vous en descendez cinq au moins, peut être dix
En fin d'après-midi midi vous avez à vos pieds
Pelages bien gluants, plumes ensanglantées
Du gibier étalé et des chiens qui aboient
Vous vous partagez ce qui pue un peu déjà
La mort ça vous connaît, vous savez la donner
Carcasses accrochées dans d'immenses frigos
Couteaux à affûter, bien racler les billots
Une scie pour les os, des bacs pour les abats
Abattre proprement, ne pas jeter le gras
Plumer tous les poulets qu'on va vendre au marché
Les vider. Mettre à part les foies et les gésiers
Sacrifice achevé, le poids sera inscrit
Des différents morceaux vous fixerez le prix
La mort ça vous connaît, vous savez l'emballer
Du couteau simple au plus dangereux des canons,
Vous vendez tout: fusils, pistolets, munitions
Grenades, silencieux. Tout est là pour tuer
A des prix accessibles. Visa est accepté
Vos notices techniques, excellents documents
Nous rappellent que comme tout, la mort se vend
Au détail ou en gros. Un commerce global
Dans lequel on peut faire un profit colossal
La mort ça vous connaît, vous la distribuez
Dans vos beaux uniformes aux képis étoilés
Ayant d'abord chiffré les pertes estimées
(Combien d'hommes mourront pour cette position?)
Vous ordonnez l'assaut, baïonnette au canon.
Puis on ramassera les morts et les blessés
Ceux-ci seront soignés et ceux-là enterrés.
Ils feront bien le tri à l'hôpital du front
Quelques uns parmi vous gagneront des galons
La mort ça vous connaît, elle est votre fierté.
On le sait, vous aimez beaucoup être filmés
Au moment décisif où vous décapitez
Avec vos longues lames vos malheureux otages
Sous vos cagoules noires de bourreaux d'un autre âge
Délinquants de banlieues, crétins illuminés
Invoquant votre Dieu au moment d'égorger
C'est vrai, vous faites peur. C'est ce que vous voulez
Et l'horreur vous sied tant que vous lui ressemblez
La mort ça vous connaît, vous vous en régalez.
Potentats de quartiers, tyrans génocidaires
Ne sachant qui de vous sont les plus sanguinaires
Rivalisant de toujours plus de cruauté
Chefs de guerre, maffieux qui payez pour tuer
Vous ordonnez et demandez à vos sicaires
Les preuves ( doigts coupés?). Et ils devront se taire.
Vu qu'ils en sauront trop, eux mêmes finiront
Noyés dans du béton ou pendus sous un pont
La mort ça vous connaît. Elle est votre monnaie
Commandants, chefs de camps, kapos embrigadés
Qui la nuit au milieu des cadavres couchés
Marchez, l'air satisfait, du travail bien mené
Ces femmes, ces enfants, que vous avez tués
Vous avez tout conçu: sélectionner, gazer
Abattre quelquefois pour mieux terroriser
Déshabiller, voler, affamer, humilier
Appeler dans le froid et à la fin brûler
La mort ça vous connaît. Elle est votre métier
Vous les servants vaillants de la Grande Faucheuse
Qui votre vie durant, à sa besogne odieuse,
Ses funestes projets, avez prêté la main
C'est vous que votre idole viendra cueillir enfin
Thanatocrates de tout poil, tueurs zélés,
Qui la donnez, comptez, ordonnez, et gérez,
Et qui toujours l'aimez, avez vous bien compris.
Le désastre que c'est que de perdre la vie?
Est ce que vous savez, quand sonnera votre heure,
Que vous voudrez pleurer et que vous aurez peur?
Que votre agonie dure un an ou dix secondes
Le chemin sera long pour sortir de ce monde
Même si, fous de Dieu, vous vous faire sauter
Avec vos propres bombes, avant, vous tremblerez.
Vos carcasses seront secouées par l'effroi
Et bien que transpirant de peur, vous aurez froid
Et soif aussi mais l'eau glissera sur vos lippes
Et une odeur infecte sortira de vos tripes
Vos poumons ne pourront aspirer aucun air
La douleur plantera ses dents dans vos viscères
Le moindre mouvement fera un mal de chien
Malgré vos yeux ouverts, vous ne verrez plus rien
Ainsi, nous le savons, vous aussi souffrirez
Et vous implorerez peut être la pitié
La pitié! Vous savez? Ce qui vous a manqué
Quand les cadavres près de vous refroidissaient
Ou quand la camarde se servait de vos mains.
Pitié, car la mort ça vous connaîtra enfin.
Quand le monde de vous sera débarrassé
Il sera temps alors de nous mettre à prier
Pour qu'éternellement vous ayez à payer
Le prix de ces vies que vous avez enlevées,
Et que les millions d'yeux des malheureux fantômes
Morts à cause de vous, viennent hanter vos tombes.
Robert BOUBLIL
Novembre 2017